Dans le glitch : chronique d’un doute

Le café, Guéliz, Marrakech – le premier choc

Tout a commencé là. Marrakech, quartier de Guéliz.
Je me souviens d’un après-midi écrasé de soleil, assis dans un café à la terrasse un peu vieillotte, un expresso devant moi. Sur l’écran suspendu au mur, Al Jazeera diffusait en boucle des images qui allaient hanter toute une génération : un avion qui percute une tour.

À l’époque, Al Jazeera était respectée dans tout le monde arabe : notre CNN, la chaîne qui couvrait sans relâche la guerre en Irak. Dans le café, la salle était remplie de vieux messieurs en djellabas, cigarettes au bec, visages graves. Les conversations s’entrechoquaient : certains voyaient là une revanche contre l’empire américain, d’autres s’indignaient de l’horreur qui frappait des innocents.

Et moi, au milieu d’eux, j’étais ce jeune geek avec mon café refroidi, figé devant l’écran. Je ne débattais pas. J’avais l’impression de revivre une scène de cinéma.

Un vrai déjà-vu.
Comme dans Fight Club (1999), quand les immeubles explosent au son des Pixies.
Comme dans The X-Files (1993), où chaque révélation cache un autre mensonge.
Comme dans Enemy of the State (1998) ou Dark City (1998), où la réalité n’est qu’un décor manipulé.
Comme dans The Truman Show (1998) ou The Matrix (1999), où le monde entier n’est peut-être qu’une illusion soigneusement construite.

Ce jour-là, je me suis posé la question qui allait me suivre pendant des années :
👉 Et si ce n’était pas ce que ça avait l’air d’être ?


Quand la culture pop programme nos esprits

En vérité, j’étais déjà préparé.
Les années 90 avaient semé en nous les graines du doute. La télévision et le cinéma nous avaient habitués à l’idée qu’il existe toujours une vérité derrière la vérité, un monde caché derrière les apparences.

  • The X-Files avec Mulder et Scully nous répétait : “La vérité est ailleurs.”
  • The Truman Show nous mettait face à la manipulation totale d’une vie sous contrôle.
  • The Matrix nous demandait de choisir entre la pilule rouge et la bleue.
  • Dark City et Fight Club montraient un monde truqué, prêt à s’effondrer.
  • Enemy of the State nous avertissait déjà de la surveillance généralisée.

Cette culture pop paranoïaque était notre carburant. Nous étions nourris de récits de manipulation et de mensonge. Quand les images du 11 septembre sont arrivées, le terrain était déjà prêt.


L’ère des documentaires-chocs

Puis vint Internet. Et avec lui, une avalanche de vidéos et de “documentaires indépendants” :

  • Loose Change, qui décortiquait chaque image des attentats,
  • Zeitgeist, qui reliait religions, banques et guerres dans un seul plan mondial,
  • What the Bleep Do We Know!?, qui mélangeait science quantique et mysticisme.

Je passais mes nuits à regarder, à rembobiner, à prendre des notes comme si je détenais un savoir interdit. Chaque voix-off me donnait l’impression d’avancer dans un labyrinthe que seuls quelques initiés pouvaient parcourir.


L’illusion de l’éveil

Je croyais avoir pris la pilule rouge.
Je me sentais spécial, différent, élu. Comme si le ciel m’avait confié une vérité que la masse refusait de voir.

Mais en réalité, je nourrissais surtout mon ego. Je ne cherchais pas la vérité, je cherchais à me sentir supérieur. Comme beaucoup, j’étais tombé dans ce piège : croire que douter suffit à penser.


Le retournement

À force de tout remettre en cause, j’ai découvert les limites. Les théories commençaient à se contredire entre elles. Certains affirmaient que la Terre était plate, d’autres que la Lune n’existait même pas. Comment tout cela pouvait-il coexister ?

Alors j’ai commencé à retourner le doute contre lui-même. Non plus douter du monde, mais douter de mes propres croyances.

C’est ainsi que j’ai réappris à penser.
Pas en accumulant des “vérités cachées”, mais en testant, en vérifiant, en confrontant. J’ai compris que la vraie pensée critique exige de la patience, de la méthode, et surtout de l’humilité.


La confession musicale

De ce parcours est née une chanson. Une confession funky-rock teintée d’électronique, écrite avec l’aide de l’IA, mais inspirée par mon propre cheminement.

Elle raconte :

  • Le choc des images dans le café de Guéliz.
  • L’ivresse des documentaires complotistes.
  • La descente dans le glitch mental.
  • Puis la libération par le doute raisonné.

Le refrain revient toujours sur la même question : “Which pill was it?”
Rouge ou bleue ? Au fond, peu importe. Parce que ce n’est pas la pilule qui compte, mais ce que tu fais après.


La leçon du glitch

Aujourd’hui, je sais que la vérité n’a pas de drapeau. Elle n’est pas contenue dans une série culte ou dans une vidéo YouTube. Elle ne se révèle pas une fois pour toutes.

La vérité, c’est un chemin. Un travail.
Elle demande de la rigueur, de l’effort, et surtout d’accepter qu’on ne saura jamais tout.

Alors si vous écoutez ma chanson, voyez-la comme un miroir. Peut-être que vous aussi, vous avez traversé ce glitch. Peut-être que vous y êtes encore.

Mais souvenez-vous : le vrai éveil, ce n’est pas de voir un complot partout. C’est de transformer le doute en outil.

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